Détecter le lien entre l’hospitalisation des personnes âgées et les médicaments

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En bref :

  • Jusqu’à 30 % des hospitalisations des personnes âgées sont liées à l’utilisation inappropriée de médicaments
  • Une recherche internationale à grande échelle, menée avec l’UCLouvain et les Cliniques Saint-Luc, a étudié l’effet d’une révision de la médication chez des personnes âgées souffrant de plusieurs maladies
  • Résultat ? Une réduction des médicaments inappropriés mais aussi la mise au point d’une méthode pour détecter si une hospitalisation est liée aux médicaments
  • L’étude est publiée dans le British Medical Journal

Réduire l’utilisation inappropriée de médicaments chez les personnes âgées souffrant de maladies concomitantes (‘multimorbidité’) et réduire les épisodes d’hospitalisation : c’est l’objectif qui a mobilisé un consortium de recherche européen – OPERAM* – avec la participation de l’UCLouvain et des Cliniques universitaires Saint-Luc.

De précédents travaux montrent que jusqu'à 30 % des hospitalisations des personnes âgées sont liées à l’utilisation inappropriée de médicaments, dont 50 % pourraient être évitées. L'étude visait à évaluer, à grande échelle, l'effet d'une révision structurée de la médication, durant une hospitalisation, chez des patients présentant de nombreuses maladies concomitantes (≥ 3 maladies chroniques) et prenant plusieurs médicaments (≥ 5 médicaments).

2 008 patients âgés de plus de 70 ans ont été recrutés dans quatre centres européens (Suisse, Irlande, Belgique, Pays-Bas), dont les Cliniques universitaires Saint-Luc. Les patients étaient répartis en groupe témoin (963) et groupe d'intervention (1045). Concrètement, l’étude consistait en une revue structurée de la médication par un médecin et un pharmacien, menant à des recommandations qui étaient discutées avec le médecin du service et le patient, ou transférées au médecin généraliste à la sortie de l’hôpital.

À titre d’exemple, un patient âgé de 82 ans est hospitalisé en cardiologie pour une angine de poitrine. À son arrivée, il prend 9 médicaments. Après concertation entre le cardiologue, le patient et l’équipe de recherche, on décide de stopper 3 médicaments. Une autre patiente, 85 ans, est hospitalisée en médecine interne pour une infection urinaire. En concertation, l’interniste, la patiente et l’équipe de recherche décident de stopper, ici aussi, 3 médicaments sur les 8 qu’elle prenait en arrivant.

Les résultats, publiés dans le British Medical Journal, sont, à plusieurs égards, très positifs :

  • au moins une recommandation de l’équipe de recherche – pour réduire la prise de médicaments - était appliquée chez deux tiers des patients après 2 mois ;
  • elle a permis de mettre au point une méthode pour détecter si une admission à l’hôpital est liée aux médicaments : elle comprend l’examen du dossier par un médecine ET un pharmacien mais aussi la recherche d’indices (‘triggers’) susceptibles de mettre sur la piste d'un problème médicamenteux ayant causé l'hospitalisation ;
  • elle a également mis en évidence la façon de mieux impliquer les patients qui réclament, en priorité, qu’on les aide à gérer leur douleur.

Par contre, les scientifiques ont observé que cette démarche d’optimisation de la prise de médicaments n’a pas diminué le risque de réhospitalisation. Plusieurs explications possibles : lorsque les recommandations d’arrêt de médicaments étaient suivies (dans deux tiers des cas), il s’agissait souvent de médicaments peu impliqués dans les hospitalisations. D’autre part, l’effet aurait sans doute été positif si l'optimisation de la médication avait concerné certaines classes de médicaments (par exemple, les chutes dues aux benzodiazépines) ou des patients à haut risque pré-identifiés.

L'étude, menée par les Prs Olivia Dalleur (groupe de recherche en pharmacie clinique, Louvain Drug Research Institue - LDRI, UCLouvain et Cliniques universitaires Saint-Luc), Anne Spinnewinne (LDRI et CHU UCLouvain Namur) et Benoit Boland (Cliniques universitaires Saint-Luc) a été financée par le programme de recherche européen Horizon 2020 et le gouvernement suisse. *OPERAM : OPtimising thERapy to prevent Avoidable hospital admissions in the Multimorbid elderly