Cancer : accompagner le grand saut vers l’âge adulte

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Outre les adultes, l’Institut Roi Albert II prend également en charge un nombre considérables d’enfants atteints de cancer. Près de 25% des patients pédiatriques belges sont en effet traités et suivis dans les services oncologiques de Saint-Luc. La nature des traitements reçus durant l’enfance implique un suivi au long cours et donc un inévitable passage dans les Services oncologiques et hématologiques adultes. Afin d’aider les patients à appréhender ce changement important, une consultation de transition de suivi à long terme a été mise en place à Saint-Luc.

Hôpital de jour d’hémato-oncologie pédiatrique. Après la salle d’attente et son aquarium aux poissons colorés, nous passons devant L’école Escale, véritable petite école au cœur de l’hôpital, et nous retrouvons Sabine Devaux, coordinatrice de soins oncologiques ou « CSO » (à droite sur la photo) comme on les appelle à Saint-Luc.

« Je suis au service du patient et de ses parents », se présente-t-elle d’emblée. Après plusieurs années comme infirmière à l’hôpital de jour, Sabine a relevé le défi de la coordination, s’appuyant sur son expérience de terrain. « Nos médecins prennent beaucoup de temps à expliquer aux patients et aux parents les tenants et aboutissants de la maladie, explique-t-elle. Mais, parfois, avoir un point de contact, une personne à qui poser des questions très spécifiques sur le diagnostic, les traitements ou le pratico-pratique du quotidien, c’est très précieux. » Autre intérêt: aider le patient et sa famille à trouver leur chemin au milieu de la multitude de personnes qui interviennent dans la prise en charge et de bien les référer. Si l’utilité de la coordination semble évidente, la pédiatrie a pourtant été historiquement l’un des derniers services oncologiques à en bénéficier.

De l’importance du suivi au long cours

cso et oncologue

Les enfants guéris de leur cancer nécessiteront un suivi durant le reste de leur vie. Les traitements par chimiothérapie ou radiothérapie reçus pendant l’enfance peuvent malheureusement entrainer des conséquences sur le long cours. « Dans deux tiers des cas, les patients présenteront des séquelles de leur traitement : problèmes cardiaques, rénaux, infertilité, troubles de l’apprentissage, etc. », poursuit le Pr Maëlle de Ville (à gauche sur la photo), médecin au Service d’hématologie et oncologie pédiatrique. D’où l’importance d’une médecine préventive avec des consultations de suivi long terme régulières dédiées au dépistage et à la prise en charge des complications éventuelles liées aux traitements.

Passé un certain âge, ces patients ne peuvent plus être suivis par des oncologues pédiatriques mais bien par des spécialistes « adultes », mieux à même de gérer les problèmes susceptibles de survenir. C’est dans ce cadre qu’a été mise en place une consultation de transition également destinée à faciliter le « grand saut » chez les adultes.

Le bon moment

À quel moment se déroule cette transition ? « On considère que c’est entre 20 et 35 ans, répond Sabine Devaux. C’est une fourchette très large car il faut que le patient soit autonome dans sa vie personnelle et notamment dans la gestion de sa santé. » Mais les choses ne sont pas toujours simples, en particulier pour des patients qui ont eu l’habitude d’être très encadrés par leurs parents et qui demeurent très attachés aux équipes qu’ils côtoient depuis de nombreuses années. « À 17 ans, certains ados n’en peuvent plus d’être en pédiatrie et veulent accélérer leur passage ; d’autres, au contraire, ne se sentent pas prêts et se rendent en consultation adulte toujours accompagnés de leurs parents, explique le Pr de Ville. Aussi, on essaie d’en parler de plus en plus tôt pour préparer au mieux cette transition. »

Une consultation à trois voix

Avant la consultation de transition, Sabine contacte par téléphone les anciens patients ou leurs parents. « C’est l’occasion de réaliser une première anamnèse et de faire le point sur d’éventuels éléments qu’ils auraient déjà remarqués. » En fonction des informations récoltées, Sabine fera un rapport au médecin et informera d’autres membres de l’équipe multidisciplinaire si besoin. Il peut s’agir de patients traités il y a longtemps, « ce qui demandent un important travail de préparation, insiste le Pr de Ville. Parfois, c’est un soulagement pour ces personnes qui ont souffert de différents problèmes de santé durant leur vie sans jamais faire le lien avec les traitements reçus dans le cadre de leur cancer pédiatrique. »

Le jour de la consultation de transition, le patient voit deux spécialistes en même temps : son pédiatre mais également le médecin qui le prendra dorénavant en charge pour son suivi au long cours. « On s’adresse à deux au patient, raconte le Pr de Ville. Je laisse mon collègue guider la consultation afin de passer la main. Mais je peux intervenir pour compléter certains aspects, les interpeller sur des éléments spécifiques du suivi. » La présence du pédiatre a tendance à rassurer les patients, délestés de la responsabilité de transmettre un dossier médical parfois très lourd de plusieurs années de prise en charge.

Le « passeport santé »

Outre ce passage d’un médecin à un autre, la consultation permet la mise en œuvre d’un « passeport santé » personnalisé, un inventaire des complications susceptibles de survenir en fonction de chaque patient, son âge, son parcours de soins. « C’est une check-list de tout ce qu’il faut suivre, tous les X temps : le cœur, les dents, les reins, etc. Cela s’inscrit dans une démarche de médecine préventive. » Ce passeport santé sera également transmis aux autres soignants ainsi qu’au médecin traitant. Quelques jours après la consultation, Sabine recontacte certains patients par téléphone, « ceux pour lesquels nous avons senti une difficulté, afin de répondre à leurs questions, vérifier que les rendez-vous de suivi ont bien été pris, etc. Pour les plus fragiles, j’en parle avec le CSO adulte » complète-t-elle. « De mon expérience, cette transition en trio permet l’adhérence du patient au suivi au long cours », se réjouit le Pr de Ville. L’année suivante, le patient reviendra à sa consultation mais cette fois sans le pédiatre. Le lien n’est toutefois jamais coupé. « Comme je leur dis toujours : ce n’est pas parce que vous êtes chez les adultes que vous ne pouvez pas venir dire bonjour. Et c’est ce qu’ils font. »

L’Institut Roi Albert II de demain

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Le futur bâtiment de l’Institut Roi Albert II est en cours de construction le long de l’avenue Mounier. L’ouverture au public est prévue vers le troisième trimestre de 2024. Il s’agit de la concrétisation d’un projet médical multidisciplinaire complètement tourné vers le patient et son parcours. L’architecture sera conçue pour favoriser l’amélioration continue de la qualité des soins, avec une attention constante portée au bien-être des patients, de leurs accompagnants et des équipes.

Article extrait du Saint-Luc Mag n°9 (décembre 2022)